
Objet du litige
Dans un jugement du 8 avril 2025, le Tribunal du travail du Brabant Wallon avait à connaître d’une sanction de suspension du paiement du revenu d’intégration sociale pour une période de 12 mois infligée par un CPAS à une assurée sociale à qui il était fait grief d’avoir effectué un travail non déclaré, ce qui a été signalé par l’Auditorat au CPAS.
Il était reproché à l’assurée sociale de s’adonner à des prestations sexuelles rémunérées sur internet par le biais de réseaux sociaux et de sites. L’assurée sociale avait reconnu lors de son audition avoir effectivement perçu des revenus occasionnels qu’elle avait déclaré à l’administration fiscale via sa déclaration fiscale à la suite de l’enquête de l’Auditorat tout en ayant omis de les déclarer auprès du CPAS. Le CPAS avait retenu l’intention frauduleuse. L’assurée sociale avait contesté la sanction.
Les règles
Le Tribunal rappelle les règles de fond et de procédures et notamment l’article 30 de la loi du 26 mai 2002 qui fixe les hypothèses et les conditions dont les sanctions peuvent être infligées mais aussi l’article 20 de la loi du 26 mai 2002 signalant que le CPAS est tenu t’entendre le demandeur si celui-ci le demande avant de prendre une décision en ce qui concerne notamment les sanctions visées à l’article 30.
Le demandeur doit être informé par écrit de la faculté qu’il a d’être entendu préalablement à la prise de décision à son égard. L’information donnée par le CPAS au bénéficiaire quant à la possibilité d’être entendu préalablement à une décision de sanction doit être préalable, concrète, efficace et non purement formelle. Le non-respect de cette obligation entraine la nullité de la sanction adoptée par le CPAS ce que le Tribunal doit constater, le cas échéant, d’office exerçant un contrôle de pleine juridiction tant en ce qui concerne l’existence de l’infraction que la hauteur de la sanction dans le cadre d’une disposition d’ordre public.
De l’importance de l’information relative à l’audition
Le Tribunal opère également un contrôle de régularité formelle et notamment en vérifiant les exigences d’audition de préalable et de motivation formelle. Au niveau procédural, la décision de sanction doit être précédée d’une invitation à être entendu. La décision contestée fait état de l’audition de la demanderesse et qui ne conteste pas qu’elle a bien été entendue par le CPAS avant l’adoption de la période litigieuse.
Le Tribunal relève néanmoins qu’il doit vérifier la question et relève que le dossier administratif du CPAS ne contient pas l’information qui aurait été communiquée à la demanderesse quant à son droit d’être entendue. Or, il y a un mail précisant à l’assurée sociale qu’elle peut être entendue. Le Tribunal estime néanmoins, que cette information serait succincte. Le principe imposé à l’autorité administrative d’avertir explicitement la personne de la mesure qu’elle entend prendre, des motifs qui la justifie, de l’informer de l’objet du but de l’audition. Il s’agit des garanties qui sont prévues par le principe audi alteram partem. Il y a donc lieu de retenir qu’il faut indiquer les griefs, qu’il faut donner à la personne un délai suffisant pour l’entendre et que les motifs sont susceptibles d’avoir des conséquences pour elle et qu’il faut pouvoir l’entendre sur tous les griefs justifiant la décision.
Le Tribunal estime que l’information donnée par mail du CPAS n’était pas suffisante pour permettre à la demanderesse d’exercer utilement ses droits lors de son audition parce que le mail ne précisait pas que le CPAS envisageait de prendre une sanction à son égard ni les motifs qui étaient invoqués.
Il ne ressort d’ailleurs pas des motifs de la décision contestée que la demanderesse a été invitée à se défendre sur la sanction envisagée et sa durée. Le CPAS n’a pas averti la demanderesse de la possibilité de se faire assister ou représentée. La demanderesse n’a pas disposé d’un délai suffisant pour préparer efficacement sa défense. Elle avait été avertie le vendredi pour une audition à 16h30 le mardi suivant. Le CPAS ne lui a permis de prendre connaissance des éléments invoqués à sa charge.
Le Tribunal constate que le CPAS n’établit pas avoir respecté les formalités procédurales et qu’il y a lieu d’annuler la sanction. En cas d’annulation de la sanction, la décision litigieuse relève d’une compétence discrétionnaire du CPAS de sorte que le Tribunal ne dispose pas d’un pouvoir de substitution.
Le rétablissement dans les droits au revenu d’intégration sociale n’est pas automatique. Le tribunal doit vérifier que les conditions de ce droit sont établies pour la période en cause. Le CPAS est donc invité à faire une nouvelle enquête sociale mais le Tribunal accorde, à titre provisionnel, une aide sociale financière équivalente au revenu d’intégration sociale au taux cohabitant le temps que le CPAS puisse réaliser l’enquête sociale et que le Tribunal puisse se prononcer sur les conditions d’octroi du revenu d’intégration sociale à partir du 1er août 2024.
Les griefs contre le CPAS
L’assurée sociale invoquait également différents manquements dans le chef du CPAS des fraudes administratives, d’irrégularités, des traitements abusifs et discriminatoires, la violation de ses droits, etc. Le Tribunal relève que, certes, il a retenu l’existence d’une irrégularité dans la décision prise par le CPAS mais que ce n’est pas suffisant pour estimer qu’il y aurait eu des manquements graves dans la gestion du dossier.
Le Tribunal signale que c’est de manière régulière que le CPAS a pris connaissance de l’enquête de police puisque si les services de police ne peuvent pas prendre l’initiative de communiquer directement au CPAS un rapport, en revanche, l’Auditorat du Travail peut parfaitement le faire.
Le Tribunal relève que le rapport d’enquête de police ne permet pas de se rendre compte de l’ampleur de l’activité non déclarée, de la gravité du manquement. Aucune analyse des extraits et transactions bancaires n’a été réalisée. Il ajoute que la situation a donc été causée à l’origine en raison de manquements de l’assurée sociale qui a caché l’existence de certaines activités et elle ne peut donc pas invoquer que la privation du revenu d’intégration sociale est exclusivement imputable à des manquements du CPAS.
Le Tribunal relève que rien n’indique que le CPAS a eu une attitude discriminatoire à l’égard de la demanderesse en lien avec la transition de genre ainsi qu’une aide médico-pharmaceutique.
Une suppression du PIIS ?
L’assurée sociale demande également d’ordonner la suppression pure et simple de la procédure du projet individualisé d’intégration sociale. Le Tribunal rappelle que le projet individualisé d’intégration sociale (PIIS) s’inscrit dans l’obligation de disposition au travail afin de favoriser l’insertion professionnelle.
Le Tribunal souligne que la personne doit pouvoir être disposée à travailler à moins que des raisons de santé ou d’équité l’en empêchent, que la disposition au travail doit s’apprécier concrètement en tenant compte de la situation particulière de chaque personne, que le CPAS doit tenir compte des aspirations du demandeur d’aide en tenant compte de son âge, de ses aptitudes, son parcours professionnel.
Il est requis du CPAS qu’il entreprenne des démarches en vue de guider et soutenir le bénéficiaire. Rien ne justifie donc que la demanderesse ne soit pas soumise à la condition de disposition au travail.